Le temps est superbe en cette fin d'été. En ville, la foule est dans les rues surtout dans les grands magasins. DECRE fait une promotion sur les blouses d'écolier. Les mamans ont flairé les bonnes affaires dans ces moments de disette avant la rentrée des classes.
Sur le stade de Malville, on s'amuse, on rigole…
L'école n'a pas encore repris et on profite de ses derniers jours de vacances pour courir et parfaire sa condition physique avant le début de la saison.
15 h 30. Prévenant une alerte, les sirènes se mettent à résonner dans toute la ville de Nantes. On ne s'en soucie pas plus que cela, car on est un peu habitué.
Les bombardements sur Nantes le jeudi 16 septembre 1943 font partie des attaques aériennes menées par les forces alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces bombardements ont été exécutés dans le cadre de l'opération "Pointblank", une campagne stratégique visant à affaiblir les capacités industrielles et militaires de l'Allemagne nazie. Nantes était une cible stratégique en raison de ses installations portuaires et industrielles, qui jouaient un rôle crucial dans l'effort de guerre allemand. L'objectif des bombardements était de perturber la production et le transport de matériel militaire, ainsi que de semer la confusion parmi les troupes ennemies. Ces bombardements ont été particulièrement dévastateurs pour Nantes, causant d'importants dommages matériels et de nombreuses pertes en vies humaines. Les raids aériens de cette période ont été extrêmement destructeurs dans de nombreuses villes françaises, faisant partie des efforts des Alliés pour affaiblir l'infrastructure de guerre allemande. |
Un ronronnement sourd monte au-dessus de la route de Vannes. Des tirs de DCA se déclenchent dont une situé sur le terrain de football de Malville. Puis une escadre anglo-américaine s'avance vers la ville à une hauteur de 5 000 m.
79 bombardiers B-17, escortés par 79 chasseurs P-47 déversent leurs bombes à 5 000 mètres d'altitude. Hélas, faute de précision sur la cible, le bombardement du 16 septembre sera un désastre matériel et humain.
Un des bombardiers qui a beaucoup de mal à localiser l'objectif, lâche ses bombes trop tôt. 259 projectiles tomberont par erreur autour du Parc de Procé.[1]
Le bruit est assourdissant couvrant les cris des enfants. Sur le stade, on court dans tous les sens. Les premières explosions vous assourdissent. On se réfugie dans la tribune pensant que l'on serait à l'abri dans cet endroit en béton armé.
Malheureusement, deux bombes tombent à cet endroit tuant le jeune Claude ZIMAKOWSKI qui avait 16 ans. Ce jeune rugbyman portait toujours fièrement les chaussettes aux couleurs de son club que sa maman lui avait tricotées.
Une bombe tombe sur le filet du court n° 1, au moment où les deux joueurs, après leur partie, allaient chercher leur balle en fonds de court. Un des deux s'en tire avec une fracture de la cheville. Deux joueurs sur le court n° 3, derrière la tribune, n'auront pas cette chance et seront tués sur le coup : Paul LE PIERRES 16 ans et Raymond ARCHUA 16 ans.
Dans un rapport succinct à son comité, le 24 avril 1944, Le Président Pierre JOESSEL, architecte de profession, dresse le triste bilan :
"Le Stade de Malville a été très fortement touché par le bombardement du 16 septembre 1943 : 25 bombes environ y sont tombées provoquant :
La destruction, presque totale des tribunes en ciment armé et des vestiaires aménagés en dessous.
La démolition du mur d'entrée et des services de la porterie.
Des détériorations importantes des terrains de tennis dont la plupart ont été touchés.
Un bouleversement de terrain de rugby et de football et de certaines parties de la piste de course à pied (à noter, que comme pour les courts de tennis le rebouchage actuel des entonnoirs a été fait par une main-d’œuvre non spécialisée qui n'a pu remettre en état les drainages et sous-sol).
Les dégâts importants au club-house qui n'a plus de couverture et des vestiaires hommes et dames qui avaient été remis en état, en 1942.
Le Stade est actuellement réquisitionné par l'autorité allemande, et les troupes d'occupation ont installé une formation de D.C.A. sur le terrain d'entraînement ; pour des besoins militaires, des emplacements de pièces et des abris ont été construits sur ce terrain ; une tranchée antichar interdit l'entrée du stade ; quelques éléments de tranchées sont creusés en différents endroits, les différents bâtiments ont été utilisés à diverses reprises.
Voici pour le passé et pour le présent… Pour l'avenir ? Nous ne pouvons en préjuger, mais l'on peut, sans craindre de se tromper, supposer que la situation n'ira pas en s'améliorant.
Il y aura donc à la fin des hostilités une remise en état considérable nécessitant des frais importants. […]
Madame Yvonne GARNIER-ROUSSEAU, alors secrétaire du club, était au siège rue Santeuil pour préparer la saison 1943-1944. À 18 heures, elle avait rendez-vous avec le Dr THOMAS président de la section rugby. Ce rendez-vous ne put avoir lieu et pour cause.
[…] Quand les sirènes se mirent à hurler, j'étais à encaisser la carte d'un abonné du Parc des Sports pour la saison. En entendant la sirène, il me supplie de partir. Après avoir fermé mon bureau, je descends avec lui à toute vitesse, saute sur ma bicyclette et je rejoins la rue Jean Jacques Rousseau qui était vide. Je suis pris d'un remords, car j'ai laissé ma caisse dans le bureau. Au moment où j'allais faire demi-tour, un bruit incroyable résonne à côté de moi me faisant fuir vers le quai de la Fosse. J'ai su le lendemain, que l'immeuble où était le siège était entièrement démoli. Nous n'avons pas pu récupérer grand-chose et on avait d'autres préoccupations […][2]
Les matchs ne pourront pas reprendre, car le Parc des sports avait aussi subi des dégâts. On pensait alors plus à panser ses plaies et à faire le deuil de cette sale période.
[1] Nantes, Les Bombardements Patrick THOMAS éditions CMD
[2] Entretien du 18/07/1996 avec Mme ROUSSEAU-GARNIER
