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La rebellion des clubs - Création de l'Union Française du Rugby Amateur (UFRA)

15/02/2024

 

 

 

 

Au début de l'année 1930, la Fédération Française de Rugby traverse sa première crise depuis sa création. Six clubs de renom, dont le Stade Français, le Stade Bordelais, le Stade Toulousain, Bayonne, Perpignan et Pau, décident de contourner la fédération en lançant en 1929 une compétition indépendante baptisée le "Challenge des Six". Ce tournoi, composé de matchs amicaux, vise à revitaliser le rugby en France.

Le 26 avril 1930, le Stade Toulousain remporte ce championnat tandis que le SU Agen s'adjuge le titre de champion de France en battant l'US Quillan, tenante du titre. La victoire d'Agen est empreinte de tragédie, avec le décès du jeune Michel Pradie suite à un violent plaquage en demi-finale, tandis que l'US Quillan est battue malgré ses joueurs rémunérés par un généreux président industriel. Cette situation soulève des interrogations sur la capacité d'une petite commune de trois mille habitants à produire une équipe championne de France.

En avril 1930, quatre autres clubs, notamment Lyon, Biarritz, Grenoble et Carcassonne, rejoignent les six clubs fondateurs dans leur mouvement de protestation contre la violence et l'amateurisme marron qui gangrènent le rugby français. Par la suite, Limoges et le SNUC se joignent à ce groupe, désormais connu sous le nom des "Douze".

"Le comité du Stade Nantais nous communique avec prière d'insérer :

À la suite d'une réunion tenue à Paris, par le groupement des "dix", et à laquelle le Stade Nantais avait désigné deux de ses dirigeants[1], le grand club nantais vient d'être admis au sein de ce groupe qui lutte si activement pour la rénovation du rugby. Cette admission vient d'être ratifiée par un vote unanime du comité SNUCiste. À la suite de cette adhésion et de celle du SUA Limoges, ce groupement prend la dénomination des "Douze". Félicitons-nous de voir notre grand club incorporé dans ce groupe qui ne comprend en somme que des clubs de la division d'excellence, tout considéré comme les plus importants et parmi lesquels se trouvent sept champions de France (le SNUC qui gagna ce trophée en 1916-1917 complétera heureusement cette série).

Les sportifs nantais et régionaux, fidèles habitués du Parc des Sports, ont donc la perspective d'une saison de rugby sans précédent, puisque tour à tour les onze clubs faisant partie de ce groupement viendront donner la réplique à notre première équipe locale. […]"[2]

Les Douze expriment leur mécontentement à l'égard de la FFR en soumettant une lettre contenant huit demandes clés. Ces requêtes comprennent des ajustements au championnat afin de permettre une meilleure préparation pour le XV de France, le droit de mutation entre clubs avec l'accord favorable du club quitté, la fin du blocage et de la mise en commun des recettes établis en 1929 pour aider les petits clubs mais désavantageux pour les grands clubs, ainsi que le remplacement de trois joueurs blessés par match, entre autres. Il est remarquable que tous les opposants proviennent de grandes villes, où les règlements étaient perçus comme défavorables et entravaient leur développement au profit d'une élite qui favorisait les clubs issus de petites villes voire de villages.

En août 1930, les Douze se réunissent à Limoges pour élaborer le calendrier de la saison 1930-1931. Le SNUC est représenté par Papillon. Ils décident de renouveler l'expérience de la saison précédente des Six "substituent au jeu du championnat, le plus souvent brutal et laid, une compétition qu'ils veulent courtoise et belle".[3]

Le classement sera établi selon le goal-average en additionnant les points positifs et négatifs. La meilleure différence positive désignera le vainqueur. Conçu et réalisé par René Pottier, un ancien joueur de rugby, et offert par Louis Besset, un ancien international, un trophée récompensera ce tournoi, d'où son nom de Challenge Besset-Pottier.

La fin de la saison s'est déroulée sans qu'aucune action ne soit entreprise, et la tension a continué de monter. À l'origine, les Douze ne cherchaient pas à quitter la Fédération, mais plutôt à être protégés et à avoir le droit de jouer entre eux.

Le 1er novembre, les Douze, réunis à Paris, ont unanimement signé leur lettre de démission de la Fédération. Dans un premier temps, la FFR a refusé cette démission. Espérant toujours trouver une solution amiable à leur conflit, les Douze ont envoyé leur lettre de démission officielle à la FFR en décembre 1930. C'est à ce moment que l'UFRA a officiellement vu le jour sous la présidence de M. de Luze. La FFR a signifié leur exclusion aux dissidents le 31 décembre 1930. Les joueurs qui choisissaient l'UFRA ne pouvaient plus être sélectionnés en Équipe de France.

Amputé de 12 de ses meilleurs clubs, le championnat de France avait subi de lourdes pertes. La concurrence était intense dans certaines régions, notamment à Bordeaux et à Toulouse, et cela avait des effets néfastes. Consciente du danger, la FFR a fait quelques concessions. Elle a abandonné le blocage des recettes et a accepté l'idée qu'un club ne soit pas obligé de s'engager dans le championnat. Celui-ci a été maintenu car il était plébiscité par les clubs fidèles. Cependant, le jour de la finale du championnat de France à Bordeaux, l'UFRA organisait un match entre le Stade toulousain et une sélection des meilleurs joueurs des onze autres clubs.

À l'orée de la saison 1931-1932, deux autres clubs rejoignirent l'UFRA, le Stadoceste tarbais, autre ancien champion de France, et l'Union sportive Narbonnaise, récemment créée et concurrente directe du RC Narbonnais loyaliste. Cela porta le nombre des réfractaires à 14 et la compétition prit le nom de « Tournoi des Quatorze ».

Le championnat de l'UFRA ne connut que deux éditions, toutes deux remportées par le Stade toulousain. Mais malgré l'intérêt du public, des incidents commencèrent à survenir également sur les terrains de l'UFRA. De chaque côté, la dissidence était mal vécue et plusieurs initiatives rapprochèrent les deux camps, notamment sous l'influence d'un comité d'internationaux respectés, parmi lesquels Marcel Communeau, Louis Dedet, Adolphe Jauréguy, René Crabos et Fernand Forgues. Les partisans de l'UFRA et les loyalistes parvinrent enfin à un accord à Bordeaux, le matin du 5 mai 1932, jour de la finale du championnat.

Bien que passagère, cette dissidence eut un impact énorme sur le rugby français. À court terme, aucun club, bien qu'il en eût désormais le droit, ne refusa de s'engager dans le championnat la saison suivante. Il fut décidé de réintégrer les dissidents, si bien que le championnat passa de 40 à 54 clubs (répartis en 6 poules de 9), un nombre qui demeura inchangé pendant de nombreuses années, allant ainsi à l'encontre de la volonté initiale de réduire l'élite des sécessionnistes ! Les mutations furent interdites si le club d'origine ne donnait pas son accord. De lourdes suspensions furent prononcées contre certains joueurs n'ayant pas respecté cette règle.

Ce fut le cas de Jean Gallia. Cette crise joua d'ailleurs un rôle primordial dans l'essor du rugby à XIII, professionnel, lancé en France en 1934 sous l'impulsion de Gallia. Une autre conséquence, liée également à la crise économique qui secouait alors le pays, fut la diminution du nombre de clubs affiliés à la FFR, passant de 784 en 1930 à 663 en 1934, puis à 558 en 1939, tandis que le rugby à XIII et sa fédération, partis de zéro en 1934, comptaient environ 155 à 160 clubs en 1939.

La dernière conséquence, bien que non négligeable, fut annoncée par les fédérations britanniques le 3 mars 1931, à la suite d'une réunion du Board. Elles décidèrent de suspendre jusqu'à nouvel ordre les rencontres face à la France, « étant donné que les conditions peu satisfaisantes dans lesquelles le rugby est joué en France… (et ce) jusqu'à ce qu'elles aient obtenu la certitude que le contrôle et la conduite du jeu ont été organisés sur des bases satisfaisantes ».

Cette décision entraîna une absence de confrontation qui appauvrit sensiblement le niveau de jeu français. La France ne réintégra le Tournoi des Cinq Nations qu’en 1952.

 



[1] Il s'agit de Pascal LAPORTE et Yves THOMAS

[2] Le Phare 01/05/1930

[3] Extrait calendrier saison 1930-1931

 

 

 

 

 

 
   

 

 




 
 
 

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